Le fabuleux destin de Dorine Bourneton

Son histoire est loin d’être banale. La passion de l’aviation très jeune. Le vol qui bascule. Le crash. Le handicap. La bataille pour revoler. Le combat pour se réinventer. Le succès des démarches. L’envol.

Derrière ce parcours, une femme forte et fragile, féminine dans un monde masculin, inquiète mais assurée, qui n’est pas sans rappeler quelques scenarii vus sur grand écran.

Portrait cinématographique d’une femme déterminée …

La jeune femme et l’accident : « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » 

Du haut de ses 16 ans, Dorine va vivre le tournant qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Ce n’est pas seulement la rébellion d’une adolescente mais la reconstruction d’une identité et d’un corps qu’elle va devoir affronter. Ce 12 mai 1991, l’avion à bord duquel elle était passagère se crashe contre le massif du Mont Mézenc en Auvergne. Seule survivante, elle est privée de l’usage de ses jambes. La colère, les doutes, le jugement du regard des autres ne sont pas sans rappeler la jeune Grace dans le film de Robert Redford « l’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux ». En proie à une période adolescente déjà pleine de doutes, dans les deux cas, l’accident marginalise. « La première année ça n’allait pas bien » murmure Dorine. « Heureusement la musique m’a beaucoup aidée à m’évader, mon cousin me faisait des cassettes audio que j’écoutais à fond dans mon walkman. Et puis j’ai appris que je pourrai reprendre des cours de pilotage, et j’ai retrouvé mon but ».  Tout comme Grace interprétée par la talentueuse Scarlett Johannson, la passion a rendu le sourire à Dorine et le courage d’aller au-delà des préjugés. En 1995, Dorine obtient son brevet de pilote sur un avion équipé de commandes manuelles.

 La femme battante : « Erin Brockovitch » 

Battante, Dorine s’apparente à la très active Erin Brockovitch, dont l’histoire a été portée à l’écran par la non moins célèbre Julia Roberts. Après avoir réussi à revoler, Dorine ne veut pas s’arrêter là : elle ambitionne de devenir pilote professionnel. Elle prend cependant très rapidement conscience qu’aucun paraplégique ne vole, ce n’est pas autorisé. « J’ai alors décidé de me battre. Ce qui m’a sauvée, c’est que nous avons constitué un noyau dur de quelques personnes motivées. J’ai créé la Commission des Pilotes Handicapés grâce à Gérard Feldzer qui a eu l’idée. Je ne le remercierai jamais assez. Il m’a guidée, moi qui débarquais de ma campagne, et qui ne savais pas comment ça fonctionnait. » précise Dorine. Guillaume Feral, son ami, et Brigitte Revellin Falcoz, une des premières femmes pilote de ligne, la rejoignent. Très vite, Dorine comprend qu’elle ne se bat pas seulement pour elle, mais pour les droits de l’ensemble d’une communauté, jusqu’à la signature par Dominique Bussereau en 2003 de l’Arrêté Ministériel qui autorise les personnes handicapées à devenir pilote professionnel.  « En groupe et en synergie, on peut déplacer des montagnes. On a vécu une aventure humaine à notre façon » ajoute Dorine.

La maman : les années « LOL »

En juin 2006 Dorine devient maman, quasiment le jour où la première licence de pilote professionnelle est obtenue par un pilote handicapé, Eric Dabasse. « Même si j’ai mis ma carrière entre parenthèses à ce moment-là, c’était très important pour moi d’avoir Charline, je suis fière d’être devenue Maman ». A bientôt 11 ans, la jeune fille pleine de vie commence à s’affirmer et la relation mère/fille fait penser au film « LOL », avec Sophie Marceau. « J’ai parfois peur de ne pas faire assez de choses avec elle, mais je compense avec beaucoup d’amour » souligne Dorine.

La pilote de voltige : le vol version « Top Gun » 

Voler ne lui suffit pas : Dorine décide de s’attaquer à la voltige aérienne. Elle passe son premier cycle et effectue une présentation au Salon du Bourget en 2011 devant un public rassemblant près de 100 000 personnes. « Si j’ai un hommage à rendre c’est à Régis Alajouanine (NDLR : Président-Fondateur de l’Amicale de Voltige Aérienne). Je connais peu de personnes qui auraient fait tout ce qu’il a effectué pour nous. Installer des commandes de vol manuelles à bord d’un avion de voltige, réfléchir à des solutions, investir toute son énergie et son audace pour nous soutenir. Grâce à lui, tout le monde s’est mis en mouvement pour nous aider. C’est quand même une charge de nous inclure dans le club car nous ne sommes pas autonomes. Il a vraiment été unique ».

Cette année, on pourra retrouver Dorine en démonstration notamment à la Ferté Alais, à Valenciennes, à Maintfond, aux Mureaux, à Royan et à Morlaix …

« Le tour du monde en 80 jours » ou le projet Handiflight

Handiflight existe depuis 10 ans. Son objectif : rassembler les pilotes handicapés du monde entier au cœur des Alpes pour y partager expériences et passion.  Aujourd’hui, l’association inverse le processus et a pour projet d’aller à la rencontre des pilotes handicapés sur plusieurs continents en relevant de nouveaux défis. Australie, Nouvelle-Zélande, Pacifique Sud, Amérique Latine, Amérique du Sud et Europe sont au programme. Paolo Pocobelli et Guillaume Feral, tous deux pilotes paraplégiques expérimentés, effectueront les étapes les plus difficiles. Dorine, quant à elle, rêve d’effectuer une étape en Polynésie. « Ça ne sera pas facile car j’ai peur de l’eau … alors peut-être que l’Amérique Latine sera tout aussi bien ! « rit-elle.

« Sully » : la suite du rêve

Femme accomplie, maman heureuse, pilote voltigeuse, conférencière et auteure, aujourd’hui Dorine se prête à rêver à de prochaines aventures. « J’aimerais beaucoup voyager, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le faire ces dernières années. »

Et puis il y a Sully. Le film qui a vu débuter notre conversation et qui m’a inspiré cet article revient dans la discussion. « Le film de Clint Eastwwod m’a vraiment bouleversée et m’a donné envie de lire le livre du Commandant Sullenberger » souligne Dorine. « Bien-sûr, j’ai fait beaucoup de liens avec mon propre accident … C’est peut-être le héros qui m’a manqué. J’envie toutes ces personnes qui sont en vie et peuvent parler de ce qui leur est arrivé. En fait je rêve de rencontrer le Commandant Sullenberger … »

Si l’histoire de Dorine n’est pas encore portée à l’écran, sa détermination et sa volonté font déjà rêver. Souhaitons-lui d’aller encore plus loin, plus haut et qui sait, peut-être de pouvoir prochainement échanger quelques mots avec le Commandant « Sully ».