Formation : l'industrie aéronautique prend les choses en main © Assystem a inauguré son Skills Development Center à Toulouse

Formation : l'industrie aéronautique prend les choses en main


Marie CHRISTOPHE
| 07/06/2017 | 1848 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE


Le développement de la compétence est la clef de voute de l’industrie aéronautique. Pour répondre à ses besoins, le Groupe Assystem a inauguré son nouveau centre de formation le 30 mars dernier. Le Skills Development Center sera réparti sur 750 m2 de surface, 7 salles de formation, 1 salle de training et plus de 500 modules par an y seront dispensés.

Ludovic Cardine, Directeur du Centre, nous a présenté en avant-première cet antre de la compétence.

Comment est née l’idée du Skills Development Center ?

Pour répondre à la pénurie de techniciens sur des métiers de support à la production aéronautique avec des montées en cadence, notamment côté Airbus sur les programmes A380 et A350. Dans un premier temps, nous avons commencé des formations en 2010-2011 pour répondre à nos propres besoins. Les métiers concernés étaient l’inspection qualité du produit aéronautique, les techniciens d’essai, les supports techniques. tout ce qui tourne autour de l’accompagnement de la production aéronautique.

À cette pénurie de techniciens venait s’ajouter l’absence de formation existante sur le marché. Avec nos compétences dans le domaine, nous avons imaginé l’ingénierie de formation qui nous a permis de construire tous ces parcours. Nous avons d’abord dispensé ces cours en interne, pour nos propres besoins, puisque nous avions ces besoins sur Toulouse. Comme cela été particulièrement efficace, Airbus nous a demandé de former ses propres collaborateurs : aujourd’hui nous sommes organisme de formation sur ces métiers pour le Groupe Airbus. Nous proposons donc ce type de service à nos clients. De fil en aiguille, nous avons élargi notre offre de formation et nous formons aujourd’hui chez ATR, Dassault, Boeing. Nous sommes passés de 1 à 10 formateurs à temps plein, plus des formateurs en free-lances, si besoin, en fonction des spécialités. L’an dernier nous avons décidé de rassembler ces formateurs et tout le système administratif dans un centre que nous appelons Skills Development Center.

On se positionne davantage sur le développement des compétences que sur la dispense de formation. Je m’explique : pour nous, la dispense de formation se résume à mettre des gens dans une salle, diffuser des supports visuels et leur délivrer une attestation avec le nombre d’heures effectuées. Le travail sur la compétence est autre chose : nous mesurons la compétence avant la formation nous mesurons la compétence en cours de formation et nous mesurons l’acquisition de la compétence en fin de formation. La délivrance de diplôme CQPM n’est liée qu’à l’acquisition de la compétence et non au volume d’heures effectuées. Nous avons donc développé tous les moyens de tests, théoriques et pratiques.

Quel type de formation proposez-vous ?

L’offre dédiée à ce centre de formation est un service global, très exhaustif. Elle concerne :

  • L’ingénierie financière : c’est-à-dire un accompagnement de nos clients pour chercher des financements à la formation ou création de compétences sur des programmes régionaux, nationaux ou internationaux. Nous travaillons avec les régions, les pole-emploi, les programmes européens ou internationaux.
  • L’ingénierie de formation : tous nos parcours sont spécifiques et dédiés aux clients, nous n’avons pas de parcours « sur étagères ». Nous avons des « briques » élémentaires de savoir que nous savons assembler pour créer des parcours spécifiques, adaptés aux besoins de chaque client. Il y a la partie théorique et la partie pratique, avec des mises en situation en temps réel des stagiaires dans un environnement que nous appelons « Training Center » dans lequel il y a des pièces d’avions, des simulateurs de vol, et aussi les nouvelles technologies avec de la réalité virtuelle, du e-learning.
  • La certification : elle peut être diplômante en fonction des parcours, du nombre d’heures.
  • Le monitoring coaching : c’est le « service après-vente », qui se matérialise sous forme de coaching ou de sessions de « refresh » pour remettre à niveau les compétences, avec le même principe, on mesure, on apporte le nécessaire et on valide la nouvelle acquisition de compétence.

Dans le monde de l’aéronautique, il y a un engagement réel. Lorsque nous certifions un technicien, nous sommes obligés d’être en mesure de garantir que la personne est qualifiée pour le faire, les enjeux sont particulièrement importants.

Quelle est la durée des formations ?

Les parcours de formation vont de 2h à 600h. Pour une heure de formation dispensée, c’est 10 heures d’ingénierie. Un formateur est à 70% opérationnel et à 30% en ingénierie permanente, c’est-à-dire en train d’actualiser la formation qu’il dispense. Il n’y a jamais deux cours identiques : la formation est aussi adaptée au rythme de l’acquisition en cours, donc au rythme des stagiaires. Un cours se réadapte en permanence, il est totalement modulaire et sur mesure. Les stagiaires sont 10 en général à suivre une formation, 6 au minimum et 12 au maximum.

Quel est le profil des formateurs qui interviennent ?

Ce sont des formateurs internes qui sont issus du terrain, qui ont beaucoup d’expérience. Il y a beaucoup d’anciens militaires. Le premier formateur sur les métiers liés à la production était un ancien militaire qui était chef de chantier sur un programme avion. On lui a proposé cette opportunité car nous avions ce besoin en création de volumes et de qualité. Nous avons aujourd’hui une dizaine de formateurs sur le domaine de la production et nous faisons intervenir ponctuellement des formateurs en free-lance si nous avons des besoins plus spécifiques.

En quelles langues sont dispensées les formations ?

Nos formations sont dispensées en français, anglais, chinois et arabe. La demande de nos clients est l’anglais, car c’est la langue de l’aéronautique, mais nous associons toujours un formateur en langue native pour former un binôme qui apporte un complément d’informations si besoin. Il y a donc l’apport de compétence et l’aspect culturel : nous adaptons toujours nos formations à la culture concernée. Les spécificités ne sont pas que techniques, elles sont aussi culturelles et c’est important d’y prêter attention pour être efficace.

Vous avez choisi de créer ce centre pour répondre à vos besoins. Parleriez-vous de pénurie au niveau de l’offre de formation ?

Oui, pas uniquement sur le secteur aéronautique, mais dans l’industrie de façon générale. Il y a un réel manque d’adéquation aujourd’hui entre la formation publique ou privée, et le besoin des industriels. La formation est trop généraliste. Il y a également un gros problème d’orientation : celle-ci devrait être anticipée, en se rapprochant des industriels et de leurs besoins. Par exemple pour les techniciens qualité, il existe des filières qui auraient pu former à ce domaine, mais la pénurie que l’on constate aujourd’hui est la conséquence d’un manque d’anticipation. Aujourd’hui nous commençons à avoir un nombre suffisant de techniciens qualité, mais nous sommes en bout de cycle. J’imagine bien que l’Éducation nationale mette en place un diplôme d’inspecteur qualité aéronautique dans les mois à venir, mais ce sera presque trop tard, il n’y en aura plus besoin. Il y a un vrai manque d’adéquation formation/industrie, on n’est jamais dans les délais : la réactivité devrait laisser place à la proactivité pour être plus cohérente avec le secteur. Nous avons monté des partenariats avec des lycées techniques publics, nous avons mis en relation nos collaborateurs et les étudiants et cela fonctionne très bien. Les responsables pédagogiques de ces lycées sont très heureux de ces échanges, nous discutons d’orientation et d’approche pédagogique ainsi que des métiers de demain et c’est très efficace. En fait les sociétés de services comme Assystem, sont donc obligés de créer leurs propres services de formation pour pallier à ce manquement.

Peut-on dire qu’il y a un dénigrement des métiers techniques ?

Il y a une dévalorisation complète des filières techniques et des diplômes. C’est considéré plus comme un choix par défaut. Nous essayons donc d’y palier et au départ notre offre de formation était à Bac+2, maintenant nous partons sur zéro diplôme, jusqu’à Bac+5 et plus. Nous avons souvent du mal à remplir ces sessions alors qu’elles débouchent sur un métier, une embauche concrète, et en CDI ! Je dirigeais auparavant un bureau d’études avec des techniciens bureau d’étude et un ingénieur qui validait toutes les sorties. : aujourd’hui, on fait exactement le même métier, mais il y a 80% d’ingénieurs au sein d’un bureau d’études et plus de techniciens. Les anciens techniciens sont devenus ingénieurs. C’est un vrai constat de dévalorisation des diplômes techniques, dans l’industrie en générale et dans l’aéronautique également. On se retrouve donc avec des intervenants terrain qui ont un Bac+5.

Les formations proposées au centre peuvent-elles servir pour une reconversion ?

Oui tout à fait. J’ai l’exemple d’un ancien agriculteur qui avait déposé le bilan. Il n’avait aucune base en aéronautique. Il a suivi le double cursus, inspecteur qualité mécanique et électrique. Il travaille aujourd’hui chez Airbus.

De quelle façon allez-vous utiliser la réalité augmentée dans vos formations ? 

Tout ce qui est innovation n’est pas une finalité en soi. C’est un outil complémentaire à la pratique ou à la théorie. Par exemple pour la réalité augmentée, cela peut permettre à quelqu’un qui n’est jamais entré dans un avion de découvrir l’intérieur avant d’y aller réellement. Le e-learning sert notamment aux tests de compétences, compétences qui sont toujours également testées par la pratique.

Quel investissement budgétaire pour le centre ?

L’investissement sur le centre est d’un peu plus d’un million d’Euros. Nous avons totalement reconstruit le bâtiment. Toutes les salles sont autonomes, indépendantes phoniquement parlant, équipées avec des planches tactiles géantes. Les stagiaires vont également être équipés de tablettes pour suivre leur formation.

Quels sont les objectifs du Skills Development Center dans les mois/années à venir ?

Nous souhaitons que le centre se développe sur différents métiers, différents modules, différents clients. Que cela devienne le centre de formation international pour Assystem, pour les collaborateurs et pour leurs clients. Offrir en interne comme en externe la capacité de développer la compétence technique ciblée sur un besoin. 


 

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