Portrait de Jean Ivars, ancien officier appontage dans la Marine Nationale ©Jean Ivars

Portrait de Jean Ivars, ancien officier appontage dans la Marine Nationale


Stéphanie Pansier
| 07/02/2019 | 1662 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Tout commence en 1988, lorsque Jean Ivars, un passionné des avions depuis toujours, se présente aux sélections pilotes (aujourd’hui appelées sélections EOPAN, Élèves Officiers Pilotes de l’Aéronautique Navale) de la Marine Nationale. Une fois les sélections réussies, Jean sait que son rêve est désormais à portée de bras : il sera pilote au sein de l’Aéronautique Navale. Assez rapidement, se rendant compte de ses aptitudes à l’appontage, on lui propose d’être officier d’appontage sur porte-avions, opportunité pour lui de réaliser un nouveau rêve, celui de piloter tous les aéronefs de la Marine Nationale. Rencontre avec un véritable passionné qui a su faire de ses rêves une réalité.

« La vocation est un torrent qu’on ne peut refouler, ni barrer, ni contraindre. Il s’ouvrira toujours un passage vers l’océan. » - Henrik Ibsen

Depuis sa plus tendre enfance, Jean Ivars, les yeux rivés vers le ciel, se prend à rêver d’un jour pouvoir lui aussi voler. Cependant, ses résultats scolaires ne sont pas très bons, tant est qu’il commence à s’interroger sur son avenir. Un ami venant de s’engager au sein l’Aéronautique Navale lui conseille alors de se renseigner auprès de la Marine Nationale. En effet, nul besoin de faire des études pour devenir pilote militaire, « il suffit » de réussir toutes les sélections psychotechniques, psychologiques, médicales et sportives ! Jean comprend donc que rien ne fera obstacle à sa vocation, il sera bel et bien pilote.

C’est ainsi qu’en 1988, après avoir réussi les sélections pilotes, Jean Ivars entame la longue route qui lui permettra à son tour de voler au sein de l’Aéronautique Navale.

Du cursus standard à Lanvéoc, à l’Alphajet à Tours, en passant par Cognac, Jean réussit tour à tour toutes les étapes de la formation de pilote. Arrive le moment tant attendu, voler sur des avions plus puissants et apprendre à apponter sur le porte-avions Clémenceau avec un Fouga Zephyr et un Étendard IV M. Hélas, c’est après seulement 3 heures de vol sur Étendard IV M qu’il est stoppé net dans son élan : Jean ne sera finalement pas pilote de chasse…

Malgré tout, on lui propose de choisir entre plusieurs machines et à la surprise générale, Jean ayant adoré les sensations liées à l’appontage, choisit l’Alizée en fin d’année 91. Il pilote l’Alizée Marine durant 6 ans au sein de la flottille 6F, puis une chance en or s’offre à lui lorsqu’on lui propose de devenir officier d’appontage : Jean pourra ainsi voler sur toutes les machines… et contre toutes attentes, il volera notamment sur avion de chasse !

                                                                           ©Jean Ivars - Dernier vol SEM

En fin d’année 1998, il est envoyé à Landivisiau pour voler sur Super Étendard tout en étant affecté à la 6F quelques mois durant et ce jusqu’à la validation de sa qualification appontage. Puis, en 2000, Jean commence la formation sur Hawkeye E2C et en est qualifié fin 2000. Parallèlement à cela, il découvre la spécialité d’officier d’appontage, spécialité très longue à apprendre, notamment parce que tout s’apprend « de bouche de druide à oreille de druide » nous explique en souriant Jean, « sur les conseils des anciens aux nouveaux, mais surtout en observant. ».

« Quand la mer est tranquille, chaque bateau a un bon capitaine » - Anonyme

En effet, « ce métier est considéré dans le milieu comme un vrai artisanat » nous raconte Jean, « il est très long à être inculqué, les responsabilités sont tellement grandes qu’il y a toujours deux officiers d’appontage sur la plateforme, c’est donc le chef des officiers d’appontage qui prend toutes les décisions ! Il faut 3 à 4 ans minimum pour commencer à être à l’aise et en minima 5 ans pour devenir officier d’appontage GAé (Groupe Aérien Embarqué) et ainsi pouvoir être responsable de l’appontage sur le porte-avions. »

                                                                    ©Jean Ivars - Rafale aux raquettes

Au fil de la conversation, on découvre ce métier fascinant, au travers des « belles passes » (appontages) bien réalisées et les « ramassages » (lorsqu’on fait apponter les avions) bien effectués que nous raconte Jean. Il nous explique que chaque « passe » est inscrite dans un petit carnet noir au côté des notes attribuées aux pilotes afin de pouvoir le débriefer en détail, et qu’à la fin de chaque année (de début août à fin juillet) cela permet de décerner le tricot bleu pour le meilleur appontage et la crosse d’or à la meilleure flottille.

On se rend également compte que cette spécialité allie à la fois observation, relationnel, travail d’équipe et esprit d’équipe, entre l’officier et le personnel sur le pont, les chiens jaunes, mais aussi avec les pilotes, qu’il faut être apprécié de tous les pilotes du porte-avions pour être un bon officier d’appontage. Il nous explique que « le but ultime pour un officier d’appontage est de ne rien dire, car cela signifie que le pilote est capable d’apponter tout seul, l’objectif étant de faire acquérir aux pilotes une certaine autonomie, surtout lorsqu’il fait beau. Mais le reste du temps, en cas de mauvais temps, la nuit, ou lorsqu’il y a des pannes, là notre rôle est primordial. »

Enfin, il nous raconte aussi la satisfaction ressentie lorsque le travail est bien fait, particulièrement dans les situations difficiles. « Ça m’est arrivé une fois que le Commandant m’appelle quand j’étais chef officier d’appontage pour me féliciter du travail accompli lors d’une journée sur le porte-avions particulièrement difficile. Là on est heureux et on sait pourquoi on fait ce job. » témoigne Jean.

« Il n’y a que deux conduites avec la vie : Ou on la rêve, ou on l’accomplit. » - René Char

En 2008, pendant les 18 mois du premier arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle, Jean retourne à Landivisiau au sein de la flottille 57 S en tant que commandant en second. Ainsi, il a pu ajouter le Falcon 10 aux nombreuses autres machines qu’il a pu piloter au cours de sa carrière.

Il retourne jusqu’en avril 2010 sur le porte-avions, jusqu’à la toute fin de sa vie de marin du ciel. « J’ai quitté le navire un mardi et le vendredi je partais en retraite au bout de 22 ans de carrière. Je l’ai suivi jusqu’au bout ! » plaisante Jean.

« Je ne remercierais jamais assez la Marine Nationale pour l’opportunité qui m’a été accordée de devenir officier d’appontage après ma carrière de pilote, car j’ai pu voler sur beaucoup de machines, et réaliser tous mes rêves. »

Aujourd’hui Jean continue de voler et est vice-président et trésorier de l’Association Alizé Marine, association qui permet de protéger le patrimoine aérien et de continuer à faire voler l’un des emblèmes de l’Aéronautique Navale dans les meetings aériens. Il va sans dire que Jean Ivars, grand passionné ayant les yeux depuis toujours rivés vers le ciel, a su « faire de ses rêves, une réalité. »

                                                                   ©Jean Ivars - Salamandre 1 décembre 95


 

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