Féminisation des métiers de l'aéronautique : une journée au sein d'Air France Industries- KLM Engineering & Maintenance
© @ Air France Industries-KLM Engineering & Maintenance

Féminisation des métiers de l'aéronautique : une journée au sein d'Air France Industries- KLM Engineering & Maintenance


Daphné Desrosiers
| 01/04/2019 | 2133 mots | AEROCONTACT | PASSION

Chaque année les métiers de l'aérien se féminisent de plus en plus, même si le pourcentage demeure encore faible : 12% pour Air France Industries en 2017. C'est une nette augmentation depuis 2009, où seuls 7,7% d'effectifs féminins étaient présents au sein de l'entreprise, branche française du groupe Air France Industries-KLM Engineering & Maintenance qui compte plus de 14 000 salariés. Ayant à coeur d'intégrer davantage de femmes dans un univers essentiellement masculin, l'entreprise a permis à sept lycéennes du Lycée François 1er de Fontainebleau de découvrir le secteur dans le cadre du projet « Féminisons les métiers de l'aéronautique » crée par l'espace d'orientation d'Airemploi. Trois marraines se sont portées volontaires pour les accueillir : Marie-Laure, chef d'atelier Module basse pression (BP), Magalie, responsable Bureau technique (BT) Méthodes U2 et Sabrina, agent planning U45.
 


Les trois marraines de l'opération. © D. Desrosiers


Susciter des vocations

Dès le départ, la visite des unités Moteurs d'Air France Industries sur l'aéroport d'Orly s'annonce étonnante pour les lycéennes. Contrairement aux idées reçues, un hangar n'est pas un lieu sombre, nauséabond et sale. Au contraire, les différents hangars sont lumineux, silencieux et dénués de trace d'huile ou de carburant. L'espace est organisé avec soin afin d'optimiser les temps de travail et les zones de travail sont colorées selon les différents types de moteurs déposés : CFM56, GE 90 ou LEAP-1A/1B.

Marie-Laure explique : « Aujourd'hui, le métier de mécanicien n'a pas de sexe. Comme vous pouvez le constater dans les hangars, il y a beaucoup de manutention et le rapport de force n'est plus un critère de sélection. Que l'on soit un homme ou une femme, il est impossible de soulever un régulateur carburant de 300 kg avec ses seuls bras. Les progrès en ergonomie et le travail d'équipe rendent les conditions de travail confortables ».

Les opportunités d'embauches proposées par Air France Industries s'envoleront dans les dix prochaines années. En effet, la pyramide des âges laisse présager d'importants recrutements dans l'ensemble des unités Moteurs. Du bac professionnel aux études supérieures (bac +5), chaque candidat dispose d'un choix varié d'activités pour commencer sa vie professionnelle ou pour progresser au cours de sa carrière. D'autant plus que l'entreprise est attachée à l'évolution interne de ses salariés. Un jeune peut débuter sa carrière comme mécanicien et gravir successivement les échelons par la suite.


Les marraines insistent sur la rigueur nécessaire dans tous les métiers de l'aéronautique. © D. Desrosiers


Passion, rigueur et volonté...

« C'est avant tout un métier de passion raconte Elodie, responsable de l'Unité 6, celle des accessoires moteurs. Il n'y a pas de femmes et c'est dommage. La méconnaissance de l'existence de ces métiers est une des principales raisons de leur absence, d'où l'importance de les faire rayonner et prouver leur accessibilité aux femmes. Il ne faut pas se mettre de barrières, souvent psychologiques, mais se donner les moyens de réussir ».

Quel que soit le métier dans l'industrie aéronautique, il est nécessaire de posséder certaines qualités telles qu'un grand sens des responsabilités : pas de place au hasard et à l'inattention. Il faut être rigoureux et la pression est permanente, qu'elle soit générée par la tenue des délais ou le respect des procédures et l'application des bonnes pratiques. Les marraines expliquent à tour de rôle cette organisation méticuleuse indispensable pour exercer ces métiers dans le secteur de la maintenance. Détrompeur, armoire sécurisée ou acronymes tels que FOD (Foreign Object Damage) n'ont bientôt plus de secrets pour les lycéennes du Lycée François 1er.

« Le respect des procédures est vital, rappelle Marie-Laure. Cela vaut aussi bien pour les mécaniciens, que pour le moteur qui sera remonté par la suite. Aujourd'hui, les réacteurs ont atteint un niveau maximal de fiabilité et la culture des facteurs humains est incontournable à la sécurité. Chacun doit ranger son matériel dans des endroits spécifiques, respecter les consignes et éviter les routines. Un bon d'opération doit être signé nominativement à chaque fin de tâche, engageant ainsi une responsabilité personnelle. Il faut être méticuleux et savoir faire preuve également d'une grande humilité en sachant reconnaître ses erreurs. Elles permettent de résoudre l'anomalie avant qu'un problème grave ne puisse survenir. Un moteur réservé à l'entrainement est disponible et des stages de révisions y sont régulièrement organisés. Un compagnonnage d'anciens permet aux plus jeunes de progresser ou de se perfectionner avant de changer d'unité ».

Leurs propos ne manquent pas d'exemples. Le remontage des centaines d'ailettes d'un compresseur haute pression (HP), la pesée des aubes de fan au gramme près ou la présentation d'un corps de turbine HP remontée laissent les élèves songeuses. La jeune Linh, élève de seconde, s'exclame : « une feuille de format A4 par vis ? il y a plus de papier que de pièces ! Ce sera un vrai puzzle quand il va falloir tout remonter ».


Attention de ne rien oublier dans un moteur. © D. Desrosiers


3/8 ou 24 heures dans la vie d'une femme

Les mécaniciens travaillent sur le rythme des 3/8 avec des horaires de vacations aussi rigoureux que les fonctions exercées : 6h25/13h34 par exemple pour la période du matin. Mais est-ce compatible pour une femme de travailler la nuit ? Sabrina répond : « Non seulement c'est parfaitement réalisable, mais on peut aussi avoir des enfants. Cela ne m'a pas empêché de travailler, bien au contraire. Ce n'était pas un frein. Les moyens de manutention permettent de faciliter les tâches et il est possible de changer de poste lors de la grossesse. Des aménagements de planning peuvent être proposés, comme pour tout salarié, qu'il soit un homme ou une femme. Dans ce métier, il faut avoir du caractère et savoir s'imposer dans une équipe constituée d'hommes. J'ai toujours été très bien accueillie, même le jour de mon arrivée. Lorsque j'ai été embauchée à la maintenance cabine, j'étais surprise de voir qu'il n'y avait pas d'autres femmes à ces postes sur Orly. Au fil du temps, des mécaniciennes en alternance ont rejoint l'équipe. J'étais heureuse que d'autres femmes viennent agrandir le cercle des mécaniciennes ».

Au sein même d'Air France Industries, il y a des aventures de famille. Certains mécaniciens transmettent leur passion et leur savoir-faire de père en fils, voire sur plusieurs générations. Une des élèves, Cosima, fait d'ailleurs la remarque à la fin de la visite : « c'est impressionnant, tout le monde connaît tout le monde. On perçoit une bonne ambiance et constater qu'il y a des femmes de niveau cadre dans cet univers m'étonne ».

Il est vrai que l'esprit d'entreprise est omniprésent, comme le prouvent les trois marraines. Leurs yeux s'animent lorsqu'elles évoquent leur travail, leur environnement ou la formation qu'elles ont dû suivre pour réaliser leur objectif. Magalie raconte son parcours : « Je voulais travailler dans le domaine du transport aérien au sein d'Air France. Mes études se sont orientées en conception mécanique avec un bac STI et un BTS, puis une école d'ingénieurs en alternance dans le domaine de la maintenance, toujours dans l'optique de travailler dans l'aéronautique. Lors de mon apprentissage dans le secteur automobile, je surveillais les offres d'emplois proposées par Air France. J'ai été convoquée aux sélections. J'étais folle de joie et j'ai réalisé mon rêve en octobre 2017 lorsque j'ai intégré mon poste actuel. »


Le temps d'une journée, les trois marraines se sont attachées à transmettre leur passion aux lycéennes. © D. Desrosiers


Vaincre les préjugés

Lors du débriefing réalisé à l'issue de la visite, Linh s'étonne : « je ne pensais pas qu'il y avait autant de métiers et de personnes qui travaillent dans l'ombre pour faire voler un avion ». Liés à un manque d'informations sur ces métiers techniques, les préjugés sont encore bien implantés. Travailler dans une compagnie aérienne renvoie systématiquement à l'image du pilote ou de l'hôtesse de l'air. Or les domaines de compétences proposés sont riches et variés. Un passager partira en vacances à bord d'un aéronef uniquement si la chaîne interdépendante des fonctions s'orchestre à l'unisson. Le personnel navigant technique ne mettra en route ses moteurs qu'après avoir vérifié l'approbation pour remise en service (APRS) signée par la maintenance. La cabine n'offrira tout le confort nécessaire que si l'aménagement a été correctement vérifié.

La liste des conditions est longue, mais comme le souligne les marraines enchantées par leur journée : « Ce qui fait notre fierté, c'est de savoir que nous avons contribué avec nos petites mains à ce que l'avion vole. C'est l'aboutissement de notre travail. Nous voulons donner au passager une qualité maximale. Il est important de faire connaître la richesse de notre travail, qui est encore trop méconnue ».

Après cette journée de découverte, les lycéennes doivent maintenant synthétiser leur expérience en réalisant une création originale qui sera présentée devant un jury réuni pour l'occasion par Airemploi. Pour cette 6e édition de « Féminisons les métiers de l'aéronautique », le thème retenu est une bande dessinée dont le sujet est la femme, l'aéronautique et/ou le spatial. L'ensemble des oeuvres seront présentées au Salon international de l'aéronautique et de l'espace du Bourget (Seine-Saint-Denis) le 18 juin lors de la cérémonie de la remise des prix. En 2017, l'équipe de jeunes filles qui représentait Air France Industrie-KLM Engineering & Maintenance avait reçu le troisième prix grâce à une créativité ingénieuse et des pièces d'avion mises au rebut.


L'escarpin aéronautique du lycée Paul Eluard en 2017. © Airemploi

 

 


 

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