Intelligence Artificielle : y aura-t-il encore un pilote dans l’avion ?
© Aerocontact - Image créée à partir d'une IA générative

Intelligence Artificielle : y aura-t-il encore un pilote dans l’avion ?


Sabine Ortega
| 05/12/2023 | 1877 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Dans un monde où la technologie avance à grands pas, l'industrie de l’aviation fait face à une question de taille : les pilotes d'avions seront-ils un jour remplacés par des robots ou par l'intelligence artificielle (IA) ? Voici une analyse détaillée des tendances actuelles, des défis et des perspectives de l’automatisation dans le cockpit.  

L’IA n’est pas une nouveauté en soit, car elle a déjà réalisé des progrès notables dans l'industrie aéronautique, notamment dans la planification de vol, la prévision météorologique et la maintenance des avions. Ces systèmes automatisés ont amélioré la sécurité, l'efficacité et la précision dans divers aspects opérationnels.

A long terme, l'IA pourrait optimiser les itinéraires de vol, s’employer pour la gestion du trafic aérien, la maintenance prédictive ainsi que la consommation de carburant, réduisant ainsi les coûts et l'empreinte environnementale. Mais qu’en sera-t-il de l’avenir des pilotes ?

État Actuel de l'Automatisation en Aéronautique

On le répète, l'automatisation dans l'aviation n'est pas un concept nouveau. Les systèmes de pilotage automatique, d'atterrissage automatique et divers systèmes d'assistance utilisés depuis des décennies, ont considérablement aidé les pilotes dans la navigation et le contrôle de l'avion. Cependant, ces systèmes nécessitent toujours une supervision humaine et une intervention en cas de situations imprévues. De nos jours, 80% des accidents aériens seraient dus à des erreurs humaines, ce qui souligne l'importance de l'automatisation pour améliorer la sécurité en vol.

L'émergence de l'IA dans le Pilotage

L'intelligence artificielle représente une avancée majeure dans le domaine de l'automatisation. Des projets de recherche sont en cours pour développer des systèmes de pilotage entièrement automatisés, capables de prendre des décisions complexes et d'agir en totale autonomie.

Le projet ALIAS (Aircrew Labor In-Cockpit Automation System) en est un exemple. Développé par DARPA, il vise à créer un système d'assistance robotique pouvant effectuer des tâches de pilotage. « L'objectif est de permettre aux équipages de se concentrer davantage sur la mission globale », explique un porte-parole de DARPA.

Mais il existe d’autres expérimentations en cours pour tester les limites de l'automatisation en aviation :

Reliable Robotics, basée à Mountain View en Californie, a levé 100 millions de dollars pour développer des systèmes automatiques visant à rendre le vol plus sûr et à terme, retirer les pilotes du cockpit. Initialement, les pilotes seront toujours impliqués, opérant à distance depuis le sol pour des avions comme les monomoteurs Cessna Caravan.

L'entreprise a mené des démonstrations de fonctionnement à distance d'un Caravan avec un pilote de sécurité à bord et prévoit de déplacer le pilote hors de l'avion vers le centre de contrôle à l'avenir.

Les géants Boeing et Airbus ne sont pas en reste, puisque Boeing explore la possibilité de remplacer les pilotes humains par l'IA dans ses vols commerciaux. La société prévoit de mener des simulations de vol cette année, et vise à réaliser des vols expérimentaux réels sans passagers l'année prochaine en utilisant l'IA.

Quant à Airbus, l’entreprise a récemment effectué des essais sur un système de décollage automatique. Cependant, ces projets sont encore loin de remplacer complètement les pilotes. "Ces technologies complètent les compétences des pilotes, mais ne les remplacent pas", affirme un porte-parole d'Airbus.

Un pilote robot humanoïde nommé "Pibot"

Enfin, l'un des projets les plus remarquables est un robot humanoïde nommé "Pibot", développé par l'équipe de l'Institut Avancé des Sciences et Technologies de Corée (KAIST). Celui-ci pourrait bientôt surpasser les compétences des pilotes humains dans la conduite des avions. Capable de mémoriser l'intégralité des cartes de navigation aéronautique Jeppesen, une tâche impossible pour un pilote humain, Pibot se distingue par sa capacité à manipuler avec précision tous les contrôles du cockpit, conçu pour les humains, même en cas de fortes vibrations.

Car Pibot utilise des technologies de contrôle de haute précision pour gérer les instruments de vol. Ses caméras externes surveillent l'état de l'avion, tandis que les internes lui permettent de gérer les interrupteurs essentiels sur le panneau de contrôle, comme nous l’explique David Shim, professeur associé d'ingénierie électrique à KAIST.

L'intelligence artificielle (IA) et les modèles de langage avancés, comme ChatGPT, ont permis à Pibot de comprendre et mémoriser des manuels techniques rédigés en langage naturel, améliorant ainsi son adaptabilité à différents types d'avions. Contrairement aux humains, Pibot peut s'adapter rapidement à différents modèles d'avions grâce à cette capacité d'apprentissage, nous fait remarquer le professeur Shim.

Il peut gérer les opérations de vol et réagir instantanément en cas d'urgence, calculer des itinéraires sûrs en temps réel. Aujourd’hui, l'équipe travaille sur un modèle de langage naturel spécifique, qui permettra à Pibot de fonctionner sans connexion Internet.

Ce que l’on sait c’est que Pibot est conçu pour intervenir dans des situations extrêmes où la présence humaine pourrait être contre-productive. Il peut communiquer avec les contrôleurs aériens et les humains dans le cockpit par synthèse vocale, agissant comme pilote ou copilote. Son design humanoïde lui permet également de remplacer les humains dans d'autres domaines, tels que la conduite de véhicules ou le commandement de navires.

Le projet, toujours en développement, est prévu pour être achevé d'ici 2026. Il a été commandé par l'Agence pour le Développement de la Défense (ADD) de Corée du Sud, et pourrait avoir des applications militaires futures, toujours selon le professeur Shim.

Les défis techniques et éthiques

Cependant, remplacer les pilotes par des robots ou de l'IA soulève de nombreux défis. Techniquement, il est crucial de garantir que les systèmes automatisés puissent gérer toutes les situations potentielles, y compris les urgences imprévisibles.

« Seuls 17% des passagers seraient prêts à voler dans un avion sans pilote »

Car les pilotes sont formés pour évaluer de multiples facteurs, notamment les conditions météorologiques, les pannes mécaniques et les urgences humaines, et pour prendre des décisions critiques qui priorisent la sécurité. Les systèmes d'IA, bien que capables d'analyser d'énormes quantités de données, manquent d'intuition et d'adaptabilité humaines requises dans de tels scénarios, du moins pour l'instant.

D'un point de vue éthique, la question de la responsabilité en cas d'accident reste un sujet de débat. En outre, la confiance du public dans les vols entièrement automatisés est un obstacle majeur à surmonter. Une étude de l'Université de Michigan a révélé que seulement 17% des répondants seraient prêts à voler dans un avion sans pilote.

Les passagers, en général, se sentent plus à l'aise en sachant qu'un pilote humain supervise l'opération. Le confort psychologique fourni par une présence humaine aide à construire la confiance et la tranquillité d'esprit, ce qui est particulièrement important lors de situations stressantes et d'urgences.

Les avantages de l'automatisation

L'automatisation complète offre plusieurs avantages potentiels. Elle pourrait réduire les erreurs humaines, qui sont une cause significative d'accidents aériens. Elle pourrait également permettre des opérations plus efficaces et une réduction des coûts pour les compagnies aériennes. Selon une étude de PwC, l'automatisation pourrait réduire les coûts opérationnels des compagnies aériennes de 30%.

L'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a présenté en 2020 une feuille de route sur l'IA, décrivant une approche par étapes pour intégrer l'IA dans les opérations aéronautiques. Cette approche commence par des applications d'IA assistant les équipages dans des tâches comme la préparation et l'exécution du vol, conduisant à une collaboration homme-machine améliorée, et envisageant finalement une autonomie complète tout en maintenant l'implication humaine dans la conception et la supervision.

Cependant, si l'avenir du pilotage dans l'aviation est en pleine évolution avec les progrès de l'IA, il est peu probable que les pilotes humains soient entièrement remplacés dans un avenir proche. L'IA servira davantage comme un outil d'assistance, augmentant la sécurité et l'efficacité, plutôt que de prendre le contrôle total des vols commerciaux. Le jugement humain, l'expérience et la capacité à gérer les situations imprévues restent des éléments clés que l'IA ne peut pas encore remplacer. La cohabitation entre pilotes humains et systèmes automatisés intelligents semble être l'orientation la plus probable pour les prochaines décennies dans l'industrie aéronautique.

Lire également : Industrie aéronautique : les robots vont-ils remplacer les humains ?


 

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