Liberty Lifter : l’hydravion géant de l'US Army capable de transporter 100 tonnes de fret
© Liberty Lifter - Aurora design

Liberty Lifter : l’hydravion géant de l'US Army capable de transporter 100 tonnes de fret


Sabine Ortega
| 06/02/2024 | 1590 mots | AEROCONTACT | INDUSTRIE TECHNOLOGIE

Les États-Unis cherchent à développer un nouvel hydravion massif, connu sous le nom de Liberty Lifter, qui exploitera l’effet de sol pour transporter des charges militaires sur de longues distances.

Soutenu par la direction de la DARPA - Defense Advanced Research Projects Agency, ce projet d'avion X abordable grâce à une fabrication à faible coût et à des caractéristiques de conception uniques, sera capable d'atterrir à la fois sur une piste traditionnelle et sur l’eau en exploitant notamment l’effet de sol, volant à seulement quelques mètres au-dessus de la surface de la mer pour réduire la traînée et permettre à l’avion de fonctionner avec une grande efficacité.

Et c’est donc Aurora Flight Sciences, une société Boeing, spécialisée dans les innovations dans les configurations d'avions, les systèmes autonomes, les technologies de propulsion et les processus de fabrication, qui a obtenu le marché pour la conception de l’appareil.

Le concept a déjà été exploité avec succès dans le passé par les ekranoplans de l’ère soviétique. Connu sous le nom de Projet 903, l'ekranoplan MD-160 de classe Lun est entré en service en 1987, utilisant l'effet de sol autour de la mer Caspienne. Un seul modèle a été entièrement construit, et un deuxième devait être transformé en hôpital de campagne volant avant que l'effondrement de l'Union soviétique ne mette fin au programme.

Le programme Liberty Lifter

Le programme Liberty Lifter de la DARPA a pour vocation de progresser sa capacité opérationnelle en concevant, en construisant, en faisant flotter et en pilotant un X-Plane à longue portée et à faible coût, capable de transporter des charges lourdes stratégiques et tactiques en mer.

Cet avion à effet de sol à vocation militaire  - développé depuis 2022  - est prévu pour pouvoir transporter 100 tonnes de fret et être capable d'encaisser un décollage et un atterrissage sur une mer dont l'échelle de Beaufort serait de niveau 4, c'est-à-dire une brise dite légère, avec des vagues d'une hauteur maximale d'1,5 mètre et un vent de 20 à 30 km/h. L'appareil devra ensuite pouvoir évoluer grâce à l'effet de sol au-dessus de l'eau sur une mer de niveau 5 sur la même échelle ce qui équivaut à 40 km/h de vent, avec des vagues de 2,5 mètres maximum.

Autre particularité, le Liberty Lifter aura la capacité de s'élever pour réaliser un vol à environ 3 000 mètres d'altitude. Dans tous les cas, la DARPA souhaite que cet aéronef reste bon marché, avec des matériaux moins onéreux que ceux utilisés habituellement en aviation.

Le démonstrateur Liberty Lifter prévu sera un grand hydravion similaire en taille et en capacité à l'avion de transport C-17 Globemaster III utilisé par l'armée américaine, d’une longueur de 53 mètres et d’une envergure de 51 mètres, avec une capacité de transporter deux véhicules de combat amphibies (ACV) USMC ou six unités de conteneurs de 7 mètres. L'autonomie envisagée est conséquente, puisque son rayon d'action doit lui permettre de parcourir jusqu'à 12 000 kilomètres.

​La conception du point de départ d'Aurora Flight Sciences ressemble donc plus à un hydravion traditionnel, avec une seule coque, une aile haute et huit turbopropulseurs pour la propulsion principale.

Dans sa dernière itération, l’aéronef est passée d'une queue en T à une queue en pi, ce qui est structurellement plus efficace pour accueillir une porte cargo arrière. De plus, les flotteurs ont été déplacés des longerons latéraux vers les extrémités des ailes du véhicule, ce qui crée un meilleur équilibre entre le prix abordable du véhicule et les performances en matière d'effet de sol.

Le Liberty Lifter n’est pas sans rappeler le Hughes H-4 Hercules qui était un hydravion à coque surdimensionnée pour transporter des troupes militaires, construit aux États-Unis au milieu des années 1940.

La dernière grande folie du fantasque milliardaire américain Howard Hugues, passionné d’aéronautique et pilote à ses heures. Avec ses 66 mètres de long et ses 97 mètres d’envergure, son aileron arrière s’élevant à 26 mètres au-dessus de la quille, ses 8 moteurs développant 3.000 chevaux chacun et ses 8 hélices de 5 mètres de haut en impose, encore aujourd’hui. C’est à l’époque le second plus grand avion du monde en termes d’envergure après le Stratolaunch et ses 117 mètres, mais il reste le premier en termes de hauteur. C’est également l’avion le plus célèbre de Hughes Aircraft. Fabriqué presque entièrement en bois, il fut baptisé « Spruce Goose » ou l’oie en sapin par la presse. 

Un partenariat multiple

ReconCraft, un chantier naval basé dans l'Oregon et membre de l'équipe Aurora, a apporté son expertise dans les méthodes de fabrication maritime. L'entreprise construira ainsi des articles d'essai structurels à grande échelle, y compris une partie du fuselage.

Aux côtés de ReconCraft, l'équipe dirigée par Aurora comprend Gibbs & Cox, une société leader d'architecture navale et d'ingénierie maritime, une société de Leidos. L’entreprise joue un rôle essentiel dans la mesure où le X-plane est, à bien des égards, un bateau qui vole. Ainsi, l’équipe a pu tester un modèle réduit de la coque dans le réservoir de remorquage de Virginia Tech, qui offre une capacité unique d'étudier le claquement d'un engin lors de l'atterrissage.

Mais également, plusieurs conseillers et ingénieurs de la société mère d’Aurora, Boeing, ont apporté leur expertise.

« Les innovations se produisent souvent aux intersections. Ici, c'est l'intersection de nos équipes maritimes et aérospatiales », a déclaré Dan Campbell, gestionnaire du programme Aurora. « Par exemple, l'intersection de la fabrication maritime avec la conception structurelle aérospatiale, ou l'intersection de la prévision des vagues maritimes et des contrôles aérospatiaux. »

La phase 1B

Après une phase 1, c'est-à-dire le dessin du design de l'appareil, Aurora Flight Sciences entre maintenant dans la phase de conception appelée 1B.

Cette étape va justement permettre de mettre au point une méthode optimisée pour assembler l'appareil en minimisant les risques et en réduisant les coûts au maximum. Pour cela, l'avionneur construit des éléments du Liberty Lifter à échelle réelle avec de nouveaux matériaux pour tester leur résistance et leur comportement. Des prototypes sont également testés sur un plan d'eau.

Les tests à venir incluent des capteurs de vol et des logiciels de détection et de prévision des vagues, qui alimentent le système de contrôle avancé du X-plane pour voler en toute sécurité dans l’effet de sol au-dessus des hautes mers. Ce type de capteur permet d'anticiper le comportement de la surface de l'eau et faire en sorte que l'avion puisse compenser immédiatement ces effets.

La phase 1 passera à la phase 2 à la mi-2024 avec la poursuite de la conception détaillée, de la fabrication et de la démonstration d'un Liberty Lifter X-Plane à grande échelle prévue pour janvier 2025. La DARPA prévoit, également, de faire équipe avec un ou plusieurs services du DoD et des partenaires internationaux afin d’en faire un véhicule capable de fournir des services de recherche et de sauvetage en mer et des interventions en cas de catastrophe à l'échelle des navires, à la vitesse du transport aérien.

Si le programme progresse, les essais en vol auraient lieu en 2028.


 

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