Qui est Yannick Assouad, Directrice générale adjointe Avionique chez Thales ? © Yannick Assouad Directrice générale adjointe Avionique chez Thales

Qui est Yannick Assouad, Directrice générale adjointe Avionique chez Thales ?


Sabine Ortega
| 27/02/2024 | 2217 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Fille d’un artisan peintre, née à Niort, l’ex-patronne de Latécoère est alors la seule femme à la tête d'un constructeur aéronautique en France et même en Europe lorsqu’elle rejoint en juillet 2020 l’une des têtes de pont des groupes technologiques et de défense française : le géant Thales. Elle succède ainsi Gil Michielin en tant que Directrice générale adjointe en charge de l’avionique et rapporte à Patrice Caine, Président-directeur général.

Adepte de la philosophie hindou, sa nomination semble prédestinée, ayant commencé sa carrière en 1986 chez Thomson CSF qui deviendra, plus tard, Thales. A la tête d’une équipe de 10 000 personnes, cette mère de deux enfants, directe et franche, spécialiste hors pair du système de refroidissement du Rafale entend mettre à profit son goût prononcé pour l’innovation. Elle est également présidente du Comité de Pilotage du CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile). Portrait d’une femme étonnante.

Un parcours d'exception dans l'industrie aéronautique et spatiale

Le parcours de Yannick Assouad est marqué par une brillante carrière dans l'industrie aéronautique et spatiale, ponctuée de réalisations remarquables et d'une implication exemplaire.

Ingénieur diplômée de l’Institut national des sciences appliquées INSA de Lyon, elle a obtenu son doctorat (PhD) en génie aéronautique à l’Illinois Institute of Technology (IIT) à Chicago aux Etats-Unis en 1985.

Puis, en 1986, elle rejoint Thomson-CSF, où elle est recrutée en tant qu’ingénieur au sein de l’activité Radar & Contre-Mesures, avant d’être nommée Responsable du Département Thermique, puis Responsable du Département Thermique et Ingénierie Mécanique. 

En 1998, elle rejoint la SECAN (Société d'Études et de Constructions Aéronavales), filiale française d’Honeywell spécialisée dans les systèmes de conditionnement d’air des avions, en qualité de Directrice Technique, puis de Directrice générale. En 2000, Grâce à son leadership, elle prend la présidence de la SECAN où elle redresse l’activité de l’entreprise aéronautique, durement frappée par la crise de 2001. 

A la suite, elle rejoint Zodiac en 2003 et se voit confier la direction des activités services de la filiale Intertechnique. En 2007, elle intègre le Comité Exécutif de Zodiac Aerospace et créé la branche Services, commune aux différentes activités du Groupe. 

En 2010, Yannick reprend la branche Aircraft Systems de Zodiac, en difficultés, qu’elle redéveloppe en menant une politique d’innovation offensive, centralisant les achats, et en introduisant le Lean Manufacturing dans les usines, et mène à bien l’acquisition de la société IMS en Californie, spécialisée dans l’In-Flight Entertainment. En 2015, elle prend la direction de la Branche Cabine et est nommée membre du Directoire de Zodiac.


Directrice générale de Latécoère

Aussi, en novembre 2016, elle devient Directrice générale du légendaire Latécoère et lance un plan de redressement audacieux de l’entreprise dont elle dira : « En 2014, l’entreprise ployait sous une dette bancaire de 300 M€ qu’elle était incapable de rembourser, ne dégageait presque pas de résultat et risquait de déposer le bilan. Cette dette a été rachetée par deux fonds (Appollo et Monarch) pour être transformée en capital. Il ne restait "que" 100 M€ de dettes finalement remboursés en 2017. C’est mon prédécesseur, Frédéric Michelland, qui a mené ce gros travail de sauvetage. C’est dans cet état que j’ai récupéré Latécoère à mon arrivée en novembre 2016. » 

L'innovation est au cœur de sa vision

L'entrée au capital de deux investisseurs puis le recentrage sur les activités Aérostructures et Systèmes d'interconnexion avec la cession de l'activité bureau d'études, Latécoère Services, toutes les mesures prises dans le cadre du plan de restructuration ont permis au groupe de se désendetter et de recommencer à générer du cash. « Je me donne les moyens d'être acteur et plutôt d'être le consolidateur que le consolidé » avant d’ajouter : « Je remets le focus sur l'innovation dans Latécoère. On ne fait pas de l'aéronautique sans investir un peu dans l'innovation sinon on a un horizon qui est forcément moins clair », résume-t-elle.

© JP Moulet Latécoère

Et c'est probablement là la plus importante des retouches apportées par Yannick Assouad, celle de renforcer les investissements de Latécoère dans l'innovation, ce que le groupe n'avait pas été en mesure de faire auparavant.

Sous son impulsion, l’entreprise privilégie l’innovation, les services et cherche à s’implanter sur des marchés où l’entreprise est absente. Le groupe est désormais positionné en France, en Allemagne, République-Tchèque, Bulgarie, au Canada, aux États-Unis, au Mexique, au Maroc, Tunisie et en Inde. Spécialiste des aérostructures, des systèmes d’interconnexions et des câblages. 

Enfin, en juillet 2020, elle est nommée Directrice générale adjointe de Thales en charge de l’avionique, ce à quoi elle déclarera :

« Je remercie Patrice Caine pour sa confiance et suis particulièrement heureuse de rejoindre Thales où j’ai commencé ma carrière. A un moment où le secteur aéronautique subit de plein fouet les effets de la crise sanitaire mondiale, je mettrai toute mon expérience et mon énergie au service des équipes et des clients Avionique pour franchir ce cap et écrire avec elles une nouvelle page de croissance. »

Une vie professionnelle sur tous les fronts

Son parcours professionnel riche d'une expertise et d'une expérience complémentaires, lui permettent d'occuper divers mandats au sein de structures et de sociétés non cotées.

Elle est devenue administrateur de l'École nationale de l'aviation civile (Enac) et membre du conseil du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas). Elle est également présidente et administrateur des sociétés rattachées à la branche Avionique de Thales. Parallèlement, elle occupe le poste d'administrateur de Meca Dev, société détenant Mecachrome, un sous-traitant dans le secteur aéronautique.

Depuis avril 2013, elle est administrateur référent chez Vinci et depuis mai 2017, elle occupe la même fonction chez Arkema. Son expertise et son dévouement font d'elle une figure incontournable du monde aéronautique et spatial. Ses réalisations exemplaires lui ont valu de nombreuses distinctions.

Son engagement et ses réalisations ont été couronnés par la réception du prix de « l'ingénieur manager » le 1er décembre 2020. Elle a également été distinguée par les insignes de Chevalier de l'ordre du Mérite en juillet 2007 et de la Légion d'Honneur en 2015. Son expertise et son dévouement font d'elle une figure incontournable du monde de l'industrie aéronautique et spatiale.

Sa vision de l’aviation de demain : vers un cockpit connecté

Avec l’acquisition de Cobham AeroComms, Thales affiche ses ambitions dans le cockpit connecté comme nous le confirme sa directrice adjointe : « L’intention est très claire. Cobham Aerospace Communications est l’une des premières entreprises au monde et la première en Europe à avoir certifié une cyber-antenne sécurisée en bande L avec la constellation de satellites Inmarsat. Ce qui constitue une première brique pour la connectivité des cockpits d’avions ».


Interfaces hommes – machines (IHM)

Un domaine que Thales compte développer, notamment autour de sa suite FMS (Système de gestion de vol ou l’ordinateur de bord qui gère le vol) appelé Pureflyt.

Si les premières applications pourraient concerner le domaine des e-VTOL (dispositifs électriques à décollage et atterrissage verticaux), l’objectif ultime est de passer à une application dans l’aviation commerciale. « Si on veut apporter plus de sécurité, si on veut réduire le nombre de pilotes, il faut connecter l’avion à l’ATC (contrôle aérien, ndlr) et au monde extérieur », explique la directrice. « S’il y a un incident météorologique, le pilote assistant non seulement informera le pilote qu’il y a un incident météorologique, mais il lui proposera par la même occasion une trajectoire modifiée. Pour éviter de surcharger le pilote, l’assistant lui indiquera pourquoi il soumet une trajectoire modifiée et lui proposera de l’envoyer automatiquement à l’ATC. Si le changement de route est validé par l’ATC, le pilote peut alors demander à l’assistant de l’intégrer dans le FMS. » 

« L'intelligence artificielle va tout changer »

Ainsi, cette acquisition pourrait permettre d’accélérer les travaux de Thales dans le domaine de la reconnaissance vocale des pilotes. « Nous allons jusqu’à imaginer que la voix du pilote puisse être numérisée. Nous travaillons sur ce type de système pour communiquer numériquement et non plus audio » explique-t-elle encore, ce qui favoriserait la réduction des risques d’erreurs et d’incompréhensions entre pilotes et contrôleurs aériens, selon elle. Un métier qui demande une bonne dose d’intelligence artificielle, ne serait-ce que pour s’accommoder des accents linguistiques de chacun.

Il est à noter que Pureflyt entrera en service fin 2026 sur toutes les gammes A320, A330 et A350 (neufs et retrofit).  Mais, Yannick Assouad réfléchit déjà au futur programme qui pourrait être lancé par Airbus d’ici 2027-2028 pour une entrée en service d’ici 2035. Elle voit dans cet avion conçu à partir d’un « Papier blanc » la possibilité de créer « des fonctions beaucoup plus automatisées » que pour les appareils actuels.


Pureflyt , FMS connecté

A plus long terme, Yannick Assouad n’oublie pas non plus les Single Pilot Operations (SPO), c’est-à-dire la possibilité de n’avoir qu’un seul pilote dans le cockpit, entièrement assisté par l’ordinateur de bord. Mais elle sait que le chemin vers l’acceptation est encore long, tant du côté des pilotes que des passagers.

Cette directrice pas comme les autres, à la tête d’un géant de l’électronique et de la défense, ne se départ pas de son optimisme quant au futur de l’aviation qui sera durable, aussi longtemps, que celle-ci cherchera à innover.

En résumé, le parcours de Yannick Assouad est une véritable success story, inspirante pour tous ceux qui aspirent à une carrière d'excellence dans l'industrie aéronautique et spatiale.


 

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