Anne Sauvannet, d'hôtesse de l'air à pilote de ligne Air France

Anne Sauvannet, d'hôtesse de l'air à pilote de ligne Air France


Stéphanie Pansier-Larique
| 27/06/2019 | 3086 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Comme beaucoup d’enfants, Anne Sauvannet est captivée par les avions parsemant le ciel, s’imaginant elle-même voler. Mais alors étant une petite fille, elle s’auto persuade qu’être pilote de ligne lui sera plus tard impossible. Les années passent et ses fausses croyances tour à tour s’effacent, s’apercevant au quotidien qu’elle est faite pour ce métier. Récit d’une jeune femme d’abord devenue hôtesse de l’air au sein d’Air France et ayant su surmonter les obstacles afin de pouvoir réaliser son rêve : devenir pilote de ligne.

« Être pilote représentait pour moi le travail idéal. Ça me faisait vraiment rêver sans pour autant oser imaginer que j’y parviendrai un jour. »

Petite, Anne Sauvannet est irrémédiablement attirée par les avions, passant des heures dehors, les yeux rivés vers le ciel afin de pouvoir les admirer. « Je me souviens avoir longtemps regardé les avions passant au-dessus de la maison lorsque nous habitions dans la Creuse. J’étais fascinée, mais ça s’arrêtait là, je ne pensais pas pouvoir faire ce métier un jour », nous confie Anne, avant de continuer « J’avais plutôt tendance à m’autocensurer par rapport au métier de pilote puisqu’en plus de n’avoir aucune famille liée de près ou de loin àl'aéronautique, je n’avais aucune représentation féminine de cette profession à l’époque. Si personne ne nous parle d’aviation, on pense spontanément aux deux métiers à l’intérieur l’avion, à savoir pilote ou hôtesse de l’air. Sauf qu’être pilote était à mes yeux très élitiste, je ne me suis donc jamais projetée dans ce métier même si ça représentait pour moi le travail idéal. Ça me faisait vraiment rêver sans pour autant oser imaginer que j’y parviendrai un jour, notamment car j’étais en plus très myope depuis l’âge de 7 ans ».

L’idée de travailler dans l’aviation ne refait surface qu’après le bac en 1998. En effet, après des années passées à apprendre le piano classique dans l’optique de devenir professeur de piano, elle s’aperçoit que cette vie n’est pas faite pour elle. « Je pense qu’il faut être très passionnée, qu’il faut respirer ‘musique’ lorsque l’on veut en faire son métier. Selon moi, je ne l’étais pas assez » témoigne-t-elle. « À 18ans, je suis partie pour la première fois en vacances en avion et je dois dire que j’étais absolument fascinée du début à la fin. Je me suis dit que c’était ça, qu’il fallait que je bosse là-dedans ! » nous raconte Anne.

À défaut de s’imaginer dans le cockpit, Anne se renseigne sur le métier d’hôtesse de l’air. Elle découvre qu’en se faisant opérer de sa myopie, elle aura alors la possibilité de se présenter aux sélections Air France à ses 21 ans.

« Myope depuis mes 7 ans, j’ai découvert qu’une opération des yeux pouvait me permettre de passer la visite médicale d’admission au métier d’hôtesse de l’air. Me faire opérer de ma myopie a changé ma vie. »

Rapidement, elle décide de réaliser cette opération des yeux. « J’ai commencé par me faire opérer de la myopie à 21 ans, afin de pouvoir vivre mieux mais également ainsi pouvoir passer la visite médicale d’admission au métier de PNC (Personnel Navigant Commercial), car sans l’opération je ne pouvais pas me présenter. Verdict : j’ai eu 12/10 aux deux yeux. Ça a changé ma vie ! » déclare-t-elle, puis elle enchaîne « J’ai doncpassécette visite d’admission PNC, et puisqu’il fallait valider son niveau d’anglais pour passer les sélections Air France, je suis partie travailler dans un B&B appelé Yellow House en Irlande. J’y suis restée un peu moins d’un an et je dois avouer que ça m’a totalement débloquée au niveau de l’anglais, j’étais beaucoup plus à l’aise après ce voyage ».

Parmi le groupe d’étudiants dans lequel se trouve Anne, il y a un irlandais qui se prédestine à ce moment-là à être pilote. « Déjà pilote privé, il m’a emmenée une fois voler. C’était comme à l’ancienne, on sortait la machine du hangar et on demandait au propriétaire du champ si on pouvait lui emprunter. C’était drôle ! Il m’a alors dit de me renseigner auprès d’associations de pilotes en France afin de me lancer moi aussi. Cependant, je n’avais pas du tout d’argent à l’époque » explique-t-elle.

En 2004, tout juste rentrée en France, Anne passe les sélections Air France. C’est une réussite. Ne commençant les vols en ligne qu’en 2005, elle a alors un peu de temps devant elle. « En attendant, je travaillais dans un camping à Royan. Puis contre toute attente, j’ai commencé à toucher des indemnités chômage parce que j’avais travaillé en Irlande. Le fait de toucher à nouveau un salaire avait débloqué mes aides au retour à l’emploi. J’avais in fine du temps et de l’argent ! » nous raconte Anne, avant de continuer « Il y avait unJodel à côté de mon lieu de travail, et après avoir rencontré le chef instructeur de l’aéroclub, celui-ci m’a vivement encouragée à voler. J’ai décidé de m’inscrire au club de Royan en octobre 2004 pour y valider mon PPL (licence de piloté privé). À partir de là tout s’est enchaîné. En mai 2005 j’ai commencécomme PNC chez Air France et en juin 2005, juste avant mes 25 ans, j’ai validé mon PPL. »

Devenue hôtesse de l’air, Anne profite de ses vols pour se glisser dans le cockpit afin de poser des questions à ses collègues pilotes. Jusqu’au jour où l’un d’eux lui pose la question fatidique : « Pourquoi tu ne passerais pas pilote ? » Elle nous confie être encore à ce moment-là intimement persuadée que c’est hors d’atteinte pour elle, qu’elle n’y arrivera jamais, pensant qu’il faut être fort en tout pour être pilote de ligne. Sans mentionner l’opération des yeux qu’elle a subi, elle juge à tort que devenir pilote relève quasiment de l’impossible. Jusqu’à ce que ces derniers lui racontent qu’il peut parfois y avoir des dérogations, ayant connu certains PNT (Personnel Navigant Technique)qui avaient été autorisés à voler après avoir été opérés des yeux.

Pour Anne, c’est une révélation. Et si elle pouvait finalement un jour réaliser ce rêve ? Elle décide alors de passer la visite d’admission. « La visite médicale coûte 500€ et le cheminement normal veut que l’on soit de ce fait déclaré inapte au vol. Ensuite, la commission médicale étudie notre dossier médical lorsque l’on déclare que l’on a subi une chirurgie au niveau des yeux. Enfin, au bout de quelques semaines à quelques mois, on reçoit les résultats. Fin 2007, j’ai donc validé ma classe 1 de pilote de ligne. C’était incroyable ! » témoigne Anne. 

« Pendant mes études de pilote de ligne par correspondance, j’étais hôtesse à plein temps sur Boeing 777 et 747, affectée sur long courrier. J’ai fait en sorte de valider mes modules tous les trois mois. »

N’ayant plus d’excuses et ayant surmonté tous les obstacles l’empêchant d’être aux commandes d’un avion de ligne, Anne commence en février 2008 son ATPL (licence de pilote de ligne) théorique par correspondance avec l’Institut Mermoz. Dix-huit mois plus tard c’est chose faite, elle obtient le précieux sésame. « Pendant mes études de pilote par correspondance, j’étaisalors PNC à plein temps sur Boeing 777 et 747, affectée sur long courrier. Les sessions d’examens étant tous les trois mois à ce moment-là, j’ai finalement terminé mon ATPL théorique en septembre 2009 » nous dit-elle. Ces études étant très onéreuses, même par correspondance, la période est pour Anne financièrement compliquée. « À l’époque, il y avait des sélections de pilotes en interne, le PPL et l’ATPL étaient donc payés par la compagnie. Mais ça a malheureusement cessé. Ne voulant pas faire d’emprunt, j’ai fait des économies et également des demandes auprès duFONGECIF(Fonds de Gestion des Congés Individuels de Formation)Ile de France qui m’a accordé 80% de mon salaire d’hôtesse afin de m’aider à payer les modules IR/ME (NDLR. La qualification de vol aux instruments) » raconte Anne.  Elle poursuit « parallèlement à tout ça, je continuais à voler à Royan régulièrement sur mon temps libre puisqu’il est nécessaire d’avoir 180heures de volsafin de pouvoir s’inscrire au CPL, et 200 heures de vols pour le valider. J’ai pu valider mon CPL (licence de pilote professionnelle) en janvier 2012.  Enfin, du mois de mai à août 2012, j’ai ainsi enchainé IR/ME/MCC (NDLR. MCC : formation de travail en équipage) à Airways College à Agen. C’est ainsi qu’à l’été 2012 j’ai enfin été formée pilote de ligne ».

Malheureusement, la crise dans le secteur aérien du début des années 2010 complique la suite de l’aventure pour les pilotes. Sans avoir de QT (Qualification de Type sur avions de ligne),tous les CV qu’Anne envoie restent sans réponse.

Anne commence alors une formation d’instructeur sur les conseils du chef pilote de son aéroclub de Royan. Pour ce faire, elle est mise sur liste 1, un accord dans le but de promouvoir l’aéroclub auprès de la région, et doit par conséquent réaliser 200 heures d’instruction bénévole en échange de la subvention qui lui est allouée. « Grâce à cela et au fait que Pierre Varnet, mon cadre PNC à Air France lui-même pilote privé, a appuyé ma demande auprès des ressources humaines, la compagnie m’avait donné des disponibilités, j’ai pu réaliser ma formation d’instructeur à l’ENAC (École Nationale d’Aviation Civile) à Muret. Cela a duré six semaines,jusqu’à l’obtention de mon diplôme de ‘Flight Instructor’ » nous explique-t-elle.

Toujours à plein temps chez Air France, Anne réalise ses heuresd’instruction sur ses temps de repos. Toutefois, le fait de faire de l’instruction en pointillé s’avère compliqué car il est difficile de suivre un élève correctement. C’est ainsi qu’elle demande au printemps 2014 un congé sans solde auprès de la compagnie avec pour objectif de faire de l’instruction et de monter ses heures de vol.

Les embauches reprennent dans l’aérien, cependant Anne n’a pas encore le nombre d’heures nécessaires pour que son CV soit mieux considéré. À l’été 2014, Anne reprend donc ses fonctions d’hôtesse de l’air, en attendant de pouvoir enfin faire du pilotage son métier.

« J’étais maman d’un bébé de 6 mois lorsque les sélections en interne chez Air France ont repris en 2016. J’attendais ce moment depuis 8 ans alors jene pouvais pas laisser filer ma chance. J’ai donc posé ma candidature »

« En automne 2015, je suis tombée enceinte, et j’ai été maman en juin 2016. Surveillant de près depuis des années les sélections dans la compagnie, mon bébé avait tout juste 6 mois lorsqu’il y a de nouveau eu des sélections en interne. J’attendais ce moment depuis 8 ans alors je ne pouvais pas laisser filer ma chance. J’ai donc posé ma candidature » nous dit Anne, puis elle poursuit « En avril 2017, j’ai validé la première étape, les tests « Psy 1 » (NDLR. Psychotechnique et psychomoteur et calcul mental) au sein d’AF. J’ai ensuite été convoquée en juin 2017 pour la deuxième vague de tests « Psy 2 » (NDLR. Tests de personnalité, entretiens de groupe à cinq, entretiens individuels face à un psychologue et un pilote). Les candidats sans QT doivent revenir un mois plus tard pour être testés sur simulateur Airbus A320. Étant salariés de la compagnie, nous sommes appelés en premier par rapport aux autres, autrement ce sont les mêmes prérequis qui sont demandés. Finalement, en septembre 2017 les résultats sortent. J’apprends que j’ai réussi les sélections de pilotes Air France ! Sur 65 nous avons été 16 à avoir été pris ».

L’un des autres privilèges en tant que salarié Air France, c’est le choix proposé entre une affectation sur Boeing 737 de la branche Transavia ou sur A 320 Air France. Ayant choisi de voler sur Airbus A320, Anne a donc débuté son apprentissageau sein de la compagnie nationale en 2018. « Il y a une pré-QT de deux semaines et une QT avion de six semaines avec des vols hors ligne comprenant des tours de piste et six atterrissages, et aussi des vols d’adaptation en ligne. Pour ma part, j’ai posé pour la première fois un A320 sur l’Aéroport de Nîmes » nous explique-t-elle.

« Il n'y a que deux conduites avec la vie : Soit on la rêve, soit on l'accomplit. » - René Char

Cet adage, Anne Sauvannet l’a bien compris. En janvier 2019, celle-ci a été lâchéesur son avion A320, appréciant chaque jour un peu plus son métier passionnant, et apprenant à chacun de ses vol. Si elle avait un conseil à donner aujourd’hui, ce serait de toujours saisir les opportunités mais surtout d’éviter l’auto censure, ne jamais se dire « ce n’est pas pour moi ». Au départ simple chimère, il va sans dire que celle qui se rêvait aux commandes d’un avion de ligne sans même oser l’imaginer réalise désormais au quotidien le rêve de toute une vie.


 

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