Jérôme Ivanoff : chez Air France Industries, « nous n'avons pas de métier pénurique » © Air France Industries

Jérôme Ivanoff : chez Air France Industries, « nous n'avons pas de métier pénurique »


Propos recueillis par Emilie Drab
| 03/10/2019 | 1669 mots | AEROCONTACT | MAINTENANCE / MRO


Air France Industries évolue, comme toutes les sociétés de maintenance, sur un marché de l'emploi tendu, marqué par le manque de mécaniciens et le vieillissement des personnes en poste. Cependant, la société n'en souffre pas outre mesure. Grâce au prestige de la marque Air France, les candidats se tournent naturellement vers elle et sa politique RH active et innovante fait le reste. Jérôme Ivanoff, responsable de la politique de l'emploi à Air France Industries, nous explique ses besoins et sa politique.

Au début de l'année, Air France industries tablait sur entre 250 et 300 recrutements. Les besoins ont-il changé et où en êtes-vous de votre objectif ?

Les besoins que nous avions identifiés n'ont pas changé. Nous sommes toujours sur ces volumes et nous sommes à plus de 70% de réalisation de ce plan de recrutement. Mais il n'y a pas que cela dans notre plan d'action.

Tous les ans, nous montons un plan d'action issu d'une analyse de nos effectifs dans le cadre d'une GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Pour cette année, il comporte également des aspects de mobilité, c'est-à-dire que nous favorisons l'accès des salariés d'autres divisions d'Air France à nos métiers. C'est une partie importante de l'alimentation de nos métiers : entre 80 et 90 salariés entrent dans nos parcours, qui sont soit certifiants, soit qualifiants (c'est-à-dire des CQP délivrés par exemple pour les métiers de la logistique et de la structure).

Nous avons également une importante politique liée à l'apprentissage. Nous accueillons tous les ans une nouvelle vague d'apprentis,principalement dans nos métiers d'entretien aéronautique. En parallèle, nous proposons aux apprentis sortants, formés chez nous, un CDI. Ils entrent dans notre politique de recrutement.

Il y a aussi un aspect féminisation des métiers aéronautiques : nous essayons de faire savoir que les métiers de mécaniciens peuvent également intéresser les femmes, qui sont plus présentes dans les métiers support et de direction. Aujourd'hui, nous comptons à peu près à 12,8% de femmes dans nos équipes.

Nous avons également une politique très volontariste liée à l'embauche de salariés handicapés. Nous avons des objectifs annuels d'embauche de salariés handicapés à l'échelle d'Air France et nous, à la direction générale industrielle, nous les dépassons tous les ans.

Quelles sont les nouveautés de votre plan d'action ?

Dans le plan d'action RH pour l'année 2019, nous avons beaucoup développé notre sourcing : avec qui travailler, comment se rendre visibles, sur quels canaux communiquer pour dire qu'Air France Industries recrute. Nous avons élargi nos champs d'intervention : nous agissons auprès des collèges, des lycées, de Pôle Emploi et nous allons de plus en plus intervenir auprès des différentes instances régionales pour faire savoir que l'on recrute et sur quels métiers.

Nous avons aussi développé des relations très proches avec Pôle Emploi. Nous organisons à la fois des rencontres avec des personnesà la recherche d'un emploi et avec les différentes structures de Pôle Emploi, y compris les personnes qui s'occupent des relations avec les entreprises, pour expliquer nos métiers. Nous découvrons des candidatures très intéressantes. Il y a des situations très paradoxales parce qu'il y a des gens qui postulent à tout même si leur candidature ne correspond pas aux critères - surtout les jeunes générations- mais aussi des gens qui, par crainte de ne pas correspondre aux critères, n'osent pas postuler alors même qu'ils ont des qualifications incroyables, dont on a besoin. Nous avons découvert cela au fur et à mesure de nos interventions auprès des demandeurs d'emploi.
 


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Nous avons lancé pour la première fois à Air France cette année un job dating. Avec Air France, nous avons organisé une journée entière de recrutement qui permet de faire passer au candidat tout le processus de recrutement d'Air France, à l'issue de laquelle nous sommes capables de proposer une promesse d'embauche. Cela raccourcit énormément le temps de traitement.En même temps que ces personnes sont convoquées pour passer la sélection, des représentants des différents métiers viennent présenter leurs métiers. C'est très efficace. Nous nous sommes aperçus au fur et à mesure des années que les jeunes sont très consommateurs d'annonces et veulent aller très vite. Dès qu'ils font acte de candidature sur le site d'emploi d'Air France, il faut tout de suite que nous les captions parce qu'ils sont multi-postulants et n'attendent pas.

Ce job dating concernait le métier de mécanicien entretien aéronautique dans différentes spécialités (moteurs, équipements, directement à l'avion, en structure sur les pièces métalliques et composites). Nous avons convoqué plus de 90 personnes, émis 55 promesses d'embauche et nous n'avons eu que quatre refus. Le taux de transformation est extrêmement satisfaisant. Nous allons donc le poursuivre, voire l'étendre à d'autres catégories de salariés (comme agents d'escale).

On entend souvent parler des difficultés à recruter dans le secteur de l'aéronautique et celui de la maintenance aéronautique. Avez-vous des difficultés à recruter dans certains métiers ?

Nous n'avons pas de métier pénurique. Nous sommes sur un marché de la maintenance aéronautique tendu parce que notre pyramide des âges est la même que chez nos voisins - les groupes qui font de la maintenance, les compagnies aériennes comme nous ou des constructeurs. Nous allons tous chercher des mécaniciens sur le marché du travail. Ceci dit, jusqu'à présent nous n'avons pas eu de difficulté. Cela s'explique par plusieurs choses : selon les candidats que nous interrogeons, les deux premiers critères qui ressortent pour leur choix sont le prestige d'Air France et la qualité de vie au travail.


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Quelle est l'ampleur du vieillissement de la population chez Air France Industries ?

Au global de toute la DGI, nous avons entre 200 et 250 départs à la retraite par an sur les huit années qui arrivent. C'est notre réalité d'aujourd'hui. Nous recrutons majoritairement pour remplacer ces départs à la retraite mais nous avons des créations d'emploi qui viennent s'ajouter.

Vous parliez des conditions de travail qui incitent les candidats à choisir Air France industries. Qu'est-ce qui les rend si attractives ?

C'est d'abord parce que les rythmes sont très construits. Nous avons une base de 35 heures, ce qui n'est pas le cas dans toutes les entreprises. Il y a très peu de rupture dans les cycles donc une facilité à associer vie professionnelle et vie personnelle. Nous ne recrutons pas uniquement des jeunes mais aussi des personnes qui ont déjà une expérience professionnelle et veulent quitter des horaires difficiles. Il y a aussi l'attrait des métiers, les parcours professionnels, car Air France offre beaucoup de possibilités. Tout cela confondu fait une entreprise attractive avec un turnover extrêmement faible. Les différentes populations ne se comportent pas toutes pareil, mais les mécaniciens par exemple font souvent toute leur carrière à Air France.

L'essor de la maintenance prédictive et des nouvelles technologies modifie-t-il les profils que vous recrutez et les métiers déjà en place ?

Nos métiers sont en évolution. Les avions sont de plus en plus modernes, ils communiquent eux-mêmes leurs défauts, les anticipent. Ce n'est pas encore développé partout mais cela commence à changer. Nous recrutons toujours des ingénieurs spécialisés en aéronautique mais nous commençons à en recruter qui savent traiter les données et sont capables de faire évoluer nos politiques de maintenance en fonction de ce que les avions et leurs ordinateurs communiquent. Nous avons besoin de cette double expertise big data et opérationnel : ce n'est pas le tout d'avoir des données, il faut savoir les interpréter. C'est le travail de ces nouveaux métiers d'ingénieurs. C'est très intéressant comme évolution parce que cela fait gagner énormément en réactivité et en coûts.


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