Qui est Philippe Baptiste, président directeur général du CNES ? © CNES - Christophe PEUS

Qui est Philippe Baptiste, président directeur général du CNES ?


Sabine Ortega
| 28/03/2024 | 1879 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Choisi par l'Élysée en avril 2021, le président du Centre national d'études spatiales, Philippe Baptiste est un ingénieur, docteur et chercheur français. Il entre en fonction à un moment où le monde spatial connaît un profond bouleversement. Et ce avec la poussée énergique des acteurs du « New Space », ces sociétés privées nouvellement arrivées dans le secteur et qui en bousculent les codes et les coûts.

Cet ancien chef de cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur apporte un regard neuf sur la filière spatiale française et ambitionne de l’amener vers de nouveaux horizons, essentiellement vers les activités aval du spatial et plus précisément les fameuses applications développées à partir des plateformes spatiales. Car, désormais, le CNES est dirigé par un spécialiste des questions numériques. Portrait de celui pour qui le spatial « incarne une part de rêve et de confiance dans le progrès et dans la science ».

Jeunesse et formation

Philippe Baptiste naît le 28 mars 1972, à Paris.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours voulu être… cosmonaute - non-spationaute - par passion pour les Russes. « J’avais les photos de Youri Gagarine et de Neil Armstrong. Et, fabriqué la maquette du LEM (le module lunaire des missions Apollo) en Lego ! », se rappelle-t-il.

Ce fils unique d’un ingénieur du Commissariat à l’énergie atomique s’est vite tourné vers les maths. « J’ai toujours eu un goût prononcé pour la science », plaide ce lecteur compulsif, marié à une professeure agrégée de lettres à la Sorbonne et père de quatre enfants. Le déclic, il l’aura en terminale en découvrant les maths appliquées.

Il obtient en 1994 un diplôme d'ingénieur civil des mines de Nancy et un master of science de l'université de Strathclyde à Glasgow au Royaume-Uni. Après avoir fait un DEA d'informatique à l'Université Pierre-et-Marie-Curie en 1995, il poursuit ses études avec un doctorat en informatique de l'université de Technologie de Compiègne en 1998.

Scientifique venant du numérique, Philippe Baptiste est un spécialiste d’algorithmique, d’optimisation combinatoire, de recherche opérationnelle et d’intelligence artificielle.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et d’une centaine de publications scientifiques, principalement rédigées entre 1999 et 2012, concernant notamment l'algorithmique, la programmation par contraintes, l'optimisation combinatoire et le multitâche préemptif. Plusieurs de ses travaux de recherche concernent la sectorisation de l'espace aérien.

Enfin, le président, directeur général du CNES inaugure une nouvelle série de podcasts intitulés « horizon, Terre et Espace ».

Le 15 mai 2015, il est nommé au grade de chevalier dans l'ordre national du Mérite.
Puis, le 29 décembre 2022, il est nommé au grade de chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur.

Carrière professionnelle

Philippe Baptiste débute sa carrière à ILOG, puis au E-lab de Bouygues afin de maximiser les recettes que sa filiale TF1 peut tirer de chaque coupure publicitaire. En 1999, il entre comme chercheur au CNRS, l’un des premiers partenaires du CNES, avant de travailler aux États-Unis chez IBM Research de 2000 à 2001.

En 2002, il devient professeur chargé de cours à l'École polytechnique, où il prend la direction du laboratoire d'informatique LIX de 2008 à 2010. Il crée à partir de 2010 l'Institut des sciences de l'information et de leurs interactions (INS2I) au CNRS. En mai 2013, il rejoint le ministère de l'Éducation nationale en tant que chef du service de la stratégie et de l'innovation à la Direction générale de la Recherche et de l'Innovation avant d'être nommé en juin 2014 directeur général délégué à la science du CNRS par Alain Fuchs. Il intègre ainsi le conseil d'administration de l'INRIA en juillet 2013 - renouvelé en mars 2015 - et le haut conseil scientifique de l'ONERA en septembre 2014.

Tout en menant une carrière académique, Philippe Baptiste a aussi participé à la création et au développement de plusieurs startups et mené de nombreuses collaborations avec des industriels du numérique, de l’aéronautique et de la défense. Ainsi, en février 2016, il est recruté par Total en tant que directeur scientifique du groupe.  Il y soulignera la problématique du prix du carbone, et du nécessaire développement des technologies de séquestration du dioxyde de carbone.

De mai 2017 à avril 2019, il entre au cabinet de Frédérique Vidal au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en tant que directeur et l’un des initiateurs de la plate-forme Parcoursup.

De mai à novembre 2019, il retourne chez Total comme « préfigurateur de la Digital Factory ».

Il est nommé en octobre 2019 au conseil d'administration de CentraleSupélec puis en novembre de la même année conseiller éducation, enseignement supérieur, jeunesse et sports au cabinet du Premier ministre Édouard Philippe. Il rejoint Boston Consulting Group en novembre 2020 en tant que directeur associé « data science ».

Enfin, il est nommé président du CNES lors du conseil des ministres du 14 avril 2021 afin de succéder à Jean-Yves Le Gall.

Présidence du CNES : un expert numérique à la tête du spatial français

Un des premiers objectifs de sa présidence est de mettre en œuvre le nouveau « contrat d'objectifs et de performance » (COP) succédant à celui de la période 2016-2020.

Il signe les Accords Artemis le 7 juin 2022, faisant ainsi de la France le 20e pays à rejoindre le programme d'exploration lunaire du même nom.


Philippe Baptiste signant les Accords Artemis avec Bill Nelson à Washington.

Développer les activités aval

Ainsi, il identifie cinq enjeux stratégiques pour le CNES: convertir le spatial aux nouveaux enjeux numériques, pour développer notamment les solutions cloud satellitaires ; repenser l’innovation en donnant plus de place aux start-ups ; poursuivre le développement d’Ariane 6 tout en pensant au futur des lanceurs européens (réutilisation, low-cost…) ; soutenir le développement du spatial militaire, en devenant un interlocuteur de référence pour le nouveau Commandement de l’Espace ; renforcer les collaborations scientifiques et le rayonnement international du CNES à travers des participations à des programmes multinationaux consacrés à l’observation de la Terre ou à l’exploration.

Il soutient le projet de « constellation européenne » de satellites de télécommunications proposé par Thierry Breton, et questionne la pertinence de la règle du « retour géographique » pour les projets les plus modestes de l'Agence spatiale européenne, qui peut être également un frein au développement industriel de nouveaux lanceurs européens.

« Je crois vraiment très important qu'une constellation européenne doit émerger très rapidement. Elle fournira de l'internet haut débit partout et contribuera à notre autonomie stratégique. Elle sera aussi l'occasion de lancer un modèle intégré : satellite, lanceur, usage », a expliqué Philippe Baptiste lors de son audition au Sénat.

L’un des objectifs principaux du CNES est d’accompagner les nouveaux acteurs qui arrivent dans le secteur du spatial avec des idées disruptives, que ce soit dans le domaine des nouveaux lanceurs, des constellations, de l’exploitation des données satellitaires, des nouveaux services en orbite tels des opérations de ravitaillement et de déplacement de satellites, surveillance de l’espace pour localiser les débris… : « Les start-up ont cruellement besoin de contrats pour démontrer leurs capacités. C’est ça qui va les crédibiliser et les faire monter en compétence. Je suis convaincu qu’un de nos rôles d’agence, c’est de développer cette démarche contractuelle avec des jeunes entreprises » dira-t-il.

« Le niveau d'activité du CNES n'a jamais été aussi élevé », insiste-t-il, « avec des programmes ambitieux, comme Perseverance, le sismographe SEIS sur Mars, CSO (Composante Spatiale Optique) et Ceres pour la défense, la nouvelle fusée Ariane 6 et son pas de tir, les travaux sur l'accueil des mini-lanceurs et la rénovation du Centre spatial guyanais. Mais aussi les programmes SWOT (Surface Water Ocean Topography) sur l'altimétrie des surfaces d'eau, SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor) pour l'étude des plus lointaines explosions d'étoiles, les sursauts gamma, MicroCarb pour la concentration des gaz à effet de serre, Trishna pour les eaux continentales, IASI-NG, un sondeur atmosphérique de nouvelle génération, sans compter la préparation des nouvelles générations de satellites de défense, ou la surveillance de l'espace ».

Quant à l’exploration spatiale, elle consistera à une participation au sein de programmes internationaux, l’orbite basse récoltant le gros des efforts à venir du CNES, contrairement aux Etats-Unis et à la Russie ainsi que la Chine, qui investissent de plus en plus dans l’exploration spatiale lointaine et qui possèdent des budgets beaucoup plus conséquents.

Cependant, Philippe Baptiste a mis en avant les multiples enjeux stratégiques auxquels l’établissement devra faire face dans les prochaines années, que ce soit l’importance des données, le changement de la chaîne de valeur, les nouveaux modèles d’innovation, la militarisation de l’espace et le rayonnement scientifique du spatial français et européen, notamment au travers de l’exploration spatiale et de l’observation de la Terre.


 

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